7ème EDITION 2012

5 décembre 2012

Édito 2012

Madame, Monsieur,

La France connaît aujourd’hui son principal défi : réconcilier le politique et l’économie. C’est à cette ambition, dont dépendent sa place en Europe et dans le monde, et l’avenir de ses enfants, que les États de la France dédient leur 7e édition, qui se tiendra le 5 décembre prochain au Conseil économique, social et environnemental, à l’invitation de son Président Jean-Paul Delevoye.

Secouée depuis près de 4 ans par une crise majeure, la France continue d’être confrontée à ses vents mauvais et vient de confier son destin à un nouveau Président dont l’ambition est de “redresser la France dans la justice”. Nos États de la France s’interrogeront sur la capacité
de notre pays à “concilier compétitivité et équité”. Dans les deux cas, l’enjeu reste le même : pas de prospérité sans équité, pas de justice sans croissance.

“Il n’est de bon vent que pour ceux qui ont un cap”, disait Sénèque. La France, dont l’économie est aujourd’hui encalminée, a changé de capitaine, mais a-t-elle trouvé son cap ? La question dépasse la politique hexagonale : il n’est pas certain que les urnes lui apportent une réponse plus assurée aux États-Unis, dans quelques semaines, et en Allemagne, l’an prochain. Au-delà des perturbations des marchés et de leur indigestion de dettes, de l’exténuation du vieux monde et des premiers doutes dans les pays plus jeunes, des bataillons de chômeurs pour l’heure résignés, mais un jour peut-être indignés ou révoltés, l’effet le plus dévastateur de la crise est sans doute de jeter une lumière crue sur l’apparente impuissance de la politique à l’affronter et sur les difficultés de ses clercs à se renouveler au rythme des mutations dont ils devraient pourtant être l’avant-garde.

La conciliation du redressement des finances publiques, de la restauration de la compétitivité et de l’instauration de la confiance autour de la juste répartition des efforts est un casse-tête qui reste entier, en France, mais aussi en Europe. La décision la plus positive des derniers mois est venue de la Banque centrale européenne, non des instances politiques de l’Union ni de ses gouvernements. L’autorisation qu’elle s’est accordée de racheter, sous condition, les dettes des États a laissé percer “un rayon de soleil dans l’eau froide” dans laquelle l’Europe se débat. Mais elle ne soulage en rien l’ardente obligation des responsables politiques de trouver les clefs qui permettront de sortir de la crise et d’échapper au déclin.

Affaire de pilotage, mais surtout de courage. Le gouvernement français vient d’en faire preuve, qui vient de décider un plan de rétablissement budgétaire inédit. Mais celui-ci n’a guère de chance de réussir – les cas de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie et même de l’Angleterre en témoignent – s’il n’est pas accompagné de réformes de nature structurelle et d’une action vigoureuse et longue en faveur de la croissance et donc de la compétitivité, durement dégradée au cours des dix dernières années. Or sur ce sujet, l’incertitude demeure. Quant au troisième terme de l’équation, la justice, son contenu doit, à l’évidence, être revisité. En ne lui donnant qu’une application fiscale, qui pèse d’ailleurs lourdement sur les entreprises et leur compétitivité, le gouvernement a cédé à l’urgence. Mais qui ne voit que c’est la transformation en profondeur du modèle social français qui serait le véritable test de sa capacité à conjuguer compétitivité et équité ?

C’est à la recherche de cette équation que les chefs d’entreprises partenaires des États de la France (Accenture, Groupe Adecco France, BASF, General Electric et Siemens) vous invitent à débattre avec les meilleurs experts, le 5 décembre prochain.

Pour eux et pour tous ceux qui seront réunis lors des États de la France et qui en sont les avocats auprès de leurs maisons-mères, compétitivité signifie attractivité d’une France où les sociétés à capitaux étrangers représentent le tiers de son PIB, le quart de ses emplois industriels, 34 % de ses exportations industrielles, 27 % de l’investissement industriel et 20 % des dépenses de R&D.

Trouver les voies de l’équilibre entre compétitivité et équité sera au coeur des débats des quatre tables rondes des États de la France – économique, sociale, internationale et politique – qui seront nourries par la désormais très attendue étude mondiale réalisée par l’INSEAD – The Business School for the World – et par les contrepoints réguliers du Frère Samuel. Des débats qui nous permettront de réaliser une photographie sincère de la France dans l’Europe d’aujourd’hui et, mieux encore, d’esquisser la mue que l’une et l’autre doivent opérer pour rompre avec le poison du pessimisme.

Nous comptons sur vous pour joindre votre voix à celles des États de la France et des entreprises qui les soutiennent. Et pour imaginer ensemble le mariage réussi de la
compétitivité et de l’équité.

Programme

INTERVENANTS

Agnès Benassy Quéré, Présidente déléguée du Conseil d’Analyse économique
Karine Berger, Députée et membre de la Commission des Finances
Olivier Campenon, Vice-Président Growth & Development BT Global Services
Alain Crozier, Président de Microsoft France
Alain Dehaze, Président du Groupe Adecco France
Pierre Dejoux, Président d’Otis Europe du Nord et Afrique
Jean-Paul Delevoye, Président du Conseil économique, social et environnemental
Patrick Desbiens, Président de GSK France
Francis Duseux, Président-directeur général d’Esso S.A.F.
Louis Gallois, Commissaire général à l’Investissement
Pierre Gattaz, Président du Medef
Javier Gimeno, Directeur académique de l’INSEAD European Competitiveness Initiative
Jacques Guers, Vice-Président Corporate et Président de Xerox Europe
Aymar Hénin, Président de Compass Group France
Philippe Houzé, Président du Conseil France de l’INSEAD et Président du Directoire, Groupe Galeries Lafayette
Gérald Karsenti, Président de HP France
Bruno Lanvin, Directeur Exécutif de l’INSEAD European Competitiveness Initiative
Robert Leblanc, Président d’Aon France SAS
Gilles Le Gendre, Président d’Explora & Cie
Philippe Lentschener, Président de la mission gouvernementale “Marque France” et Président de McCann Worldgroup France
Marc Lhermitte, Partner de EY Advisory et auteur des baromètres de l’attractivité
Michèle Lesieur, Présidente de Philips France
Jean-Pierre Letartre, Président d’EY France et CEO d’EY France, Luxembourg et Maghreb
Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de la CGT Force Ouvrière
Christophe de Maistre, Président de Siemens France et du Cluster South West Europe
Ilian Mihov, Doyen de l’INSEAD
Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement productif
Christian Nibourel, Président d’Accenture France et Benelux
Dominique Reiniche, Chairman Europe de The Coca-Cola Company
Patrick Roméo, Président de Shell France
Pierre St-Arnaud, Président d’ABB France

Vidéo

Discours d’accueil
Jean-Paul Delevoye, Président du Conseil économique, social et environnemental
Peter Zemsky, Vice-Doyen de l’INSEAD

Discours d’ouverture
Angel Gurria, Secrétaire Général de l’OCDE

Conjoncture économique
Comment concilier rigueur et croissance
Présidence de Christian Nibourel, Président d’Accenture France et Bénélux

Conjoncture sociale
Comment concilier rigueur et bien-être social
Présidence d’Alain Dehaze, Président du Groupe Adecco France

Lecture
Comment réconcilier la France et l’Europe
Cédric Villani, Mathématicien, Directeur de l’Institut Henri Poincaré et Médaille Fields 2010

Conjoncture internationale
Comment concilier influence française et réalités d’un monde globalisé
Présidence de Clara Gaymard, Vice-Présidente GE International, Présidente et CEO de GE France

Conjoncture politique
Comment concilier rigueur et confiance en l’avenir
Présidence d’Olivier Homolle, Président de BASF France

Discours officiel Arnaud Montebourg
Introduction de Christophe de Maistre, Président de Siemens France, CEO Siemens South West Europe
Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement productif

Photothèque

Discours d’ouverture

Angel Gurria, Secrétaire Général de l’OCDE

Monsieur Delevoye, Monsieur Zemsky, Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi d’ouvrir votre conférence sur « les Etats de la France ». J’espère ainsi orienter un peu vos débats en vous soumettant notre vision actuelle des perspectives économiques globales et des enjeux pour la France.

Des perspectives économiques globales moroses

Nos dernières prévisions, comme vous le savez sans doute, sont plutôt sombres du fait notamment d’une dégradation de la confiance. Les perspectives globales se sont en effet encore détériorées, et nous ne prévoyons qu’une reprise hésitante et inégale pour l’ensemble de l’OCDE pour les deux années à venir. La zone euro restera en récession ou proche de la récession en 2013, tandis la croissance devrait redémarrer graduellement aux Etats-Unis et au Japon. Si une reprise plus forte est attendue dans les économies émergentes, elle reste cependant bien moins soutenue que ce que nous espérions ne serait-ce qu’il y a quelques mois.

Le plus préoccupant est que les risques négatifs dominent ces prévisions. La crise dans la zone euro reste le danger le plus sérieux, alors que le « mur fiscal » aux Etats-Unis menace de replonger l’économie américaine et par là-même l’économie mondiale dans la récession.

Ce scénario morose n’est cependant pas inévitable. Des actions résolues de la part des décideurs politiques pourraient remettre l’économie mondiale sur la voie de la croissance. Un scénario plus positif est donc possible, où la crise de la zone euro est définitivement résolue, où les finances publiques américaines retrouvent une trajectoire soutenable à moyen terme, et où des progrès sont accomplis sur le front des réformes structurelles.

Comment engendrer ce scénario positif ?

En Europe, les défis principaux restent de résoudre la crise de la dette souveraine, de réparer le système bancaire, et de créer de la croissance et des emplois par des réformes structurelles.

Pour ce faire, les mécanismes créés pour faire face à la crise doivent être activés sans plus attendre. Des mesures importantes viennent d’être annoncées pour alléger le poids de la dette souveraine en Grèce, notamment par le rachat volontaire de la dette privée. Elles doivent être pleinement mises en œuvre, accompagnées d’un vaste programme de réformes structurelles pour renforcer la compétitivité de l’économie grecque.

Après l’union budgétaire, il est également maintenant nécessaire de créer une véritable union bancaire afin de compléter l’architecture de la zone euro. Il s’agit d’introduire une supervision commune, des mécanismes de résolution de faillites trans-frontaliers, des systèmes communs de garantie des dépôts, et un filet de sécurité budgétaire à l’échelle de la zone euro. L’Europe doit aussi renforcer la capitalisation de ses banques.

Ce scenario positif requiert enfin que les Etats-Unis non seulement évitent à court terme le « mur fiscal », mais remettent également leurs finances publiques sur une trajectoire soutenable sur le long terme.

Mais le scénario positif ne concerne pas uniquement le court terme. Nous avons récemment publié des prévisions jusqu’à 2060. Elles montrent sans ambigüité un basculement de la croissance vers les économies émergentes et que, à défaut d’un ambitieux programme de réformes structurelles, les déséquilibres mondiaux pourraient se creuser à nouveau durant les prochaines décades. De tels déséquilibres pourraient une fois de plus miner la croissance. Pour l’éviter, les réformes structurelles sont une fois de plus clés.

Elles le sont d’ailleurs déjà dans le court terme pour créer des emplois et accroître l’investissement. Tous les pays doivent ainsi faire des efforts, pas uniquement ceux en crise aigüe. Les mesures courageuses prises par l’Italie et l’Espagne sont des exemples à suivre.

Les perspectives pour la France

La France a tout particulièrement besoin de progresser sur le front des réformes structurelles. A défaut, les perspectives y resteront pour le moins moroses. Nos prévisions indiquent une croissance en berne pour la France, à 0,3% pour 2013, et seulement 1,3% pour 2014. Dans ce scénario, le chômage continuera de croître pour atteindre 11,4% à la fin 2014. Mais une autre trajectoire est possible. Pour sortir de l’ornière, il faut que la France poursuive sa consolidation budgétaire tout en renforçant et approfondissant son programme de réformes structurelles pour améliorer sa compétitivité.

Le gouvernement a déjà démontré sa détermination en matière de consolidation budgétaire et a renforcé la crédibilité du cadre fiscal grâce à la création du Haut Conseil des finances publiques. L’objectif de déficit de 4,5% pour 2012 va être rempli. Les objectifs pour 2013 et 2014 impliquent une réduction du déficit structurel de 2,6%, ce qui reste très ambitieux au regard des turbulences actuelles. Il faudrait donc permettre aux stabilisateurs automatiques de jouer pleinement si la croissance s’avère plus faible que prévu.

Mais il reste urgent de réduire les dépenses publiques. La consolidation prévue pour 2013 s’appuie en effet surtout sur une hausse des recettes, alors que la France présente déjà un niveau de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés de l’OCDE. Les marges de manœuvre sont donc du côté de la dépense, également parmi les plus élevées de l’OCDE.

Pour la diminuer, il est essentiel d’étendre les efforts d’efficacité du secteur public à tous les échelons de l’administration publique et de simplifier le « mille-feuille » administratif.

Des économies significatives pourraient également être faites en matière de dépenses de santé, sans remettre en cause la qualité des soins. Ceci est possible, en améliorant notamment la pertinence des actes et en renforçant l’utilisation de médicaments génériques.

La structure fiscale pourrait aussi être rééquilibrée en diminuant les contributions sociales, en augmentant les taxes environnementales et celles liées à l’immobilier, et en éliminant les niches fiscales coûteuses et inefficaces. Il est ainsi possible et nécessaire de combiner réforme fiscale et réduction des inégalités.

De manière plus générale, la confiance serait renforcée par des réformes structurelles en matière d’éducation, de marché du travail et de concurrence. Et ne nous y trompons pas, ces réformes peuvent là encore améliorer la compétitivité tout en renforçant l’équité.

La réduction de la dualité du marché du travail en est un bon exemple. C’est ce sur quoi se penchent actuellement patronat et syndicats, et il est urgent d’aboutir à un compromis. La segmentation actuelle du marché du travail fait en effet peser sur les plus fragiles les ajustements nécessaires pour s’adapter à la concurrence mondiale. De même, le coût élevé du travail au niveau des bas salaires pèse particulièrement sur l’emploi des jeunes et des moins qualifiés. Les réformes devraient aboutir à plus de compétitivité et plus d’équité.

En matière d’éducation, renforcer la formation professionnelle et la formation continue, tout comme développer l’apprentissage permettrait de mieux répondre aux exigences de l’économie en matière de compétences. Cela réduirait à la fois le creusement des inégalités liées à l’obsolescence des qualifications ou au décrochage scolaire des jeunes.

A tous ces égards, le Pacte de Compétitivité récemment annoncé par le Gouvernement est un pas important dans la bonne direction. Il devrait permettre de soutenir la création d’emplois, l’investissement et les exportations.

La France doit ainsi continuer à se battre pour échapper au scénario morose d’une croissance atone. Le gouvernement a imprimé une forte impulsion à son agenda de réformes. Il doit désormais maintenir le cap, renforcer et approfondir les réformes. Et ce dans un environnement global qui restera sans aucun doute encore turbulent dans les mois, si ce n’est les années qui viennent. Cela requiert des décisions politiques courageuses, et une constance dans leur mise en œuvre.

Sa priorité doit demeurer au renforcement de la compétitivité qui seule pourra garantir un retour de la croissance, un recul du chômage et un redressement des comptes publiques et extérieurs. Ce renforcement est indispensable pour que la France puisse bénéficier au mieux de la mondialisation des échanges et de l’investissement, tout en préservant ses atouts, la qualité de ses services publics et les éléments essentiels de son modèle social.

Mesdames, Messieurs,

Un scénario positif de sortie de crise, pour la France comme ailleurs, est donc possible. La France doit utiliser « la fenêtre de tir » actuelle pour redresser sa compétitivité, sans tergiversations, avec énergie et ténacité. Elle doit et peut le faire en continuant à lutter sans relâche contre l’accroissement des inégalités.

Et il ne faut pas non plus perdre de vue la nécessité absolue de « verdir » notre modèle de croissance. Cela permettrait non seulement de renforcer la compétitivité, mais aussi de créer de nouveaux emplois et de contribuer à l’assainissement budgétaire.

Les impératifs de court terme ne doivent en effet pas cacher les défis du long terme. Un modèle de croissance qui nous conduit à terme à une collision avec la nature et ne permet pas de partager ses bénéfices avec tous est voué à l’échec. Et ce plus rapidement que nous ne voulons bien l’admettre.

Mais nous pouvons éviter cet échec ainsi que le scénario médiocre de court terme qui se profile actuellement. Cela requiert des décisions courageuses. A nous de les appuyer, de les guider, de les expliquer. J’espère que votre débat aujourd’hui y contribuera.